(Aeropedellus variegatus) – Première écoute et description du chant de cette espèce d’altitude
Circonstances :
Dans le cadre de la collecte que je réalise sur les orthoptères de France, je me rends le 31 juillet 2004 en compagnie de mon fils (Nicolas) au lac d’Allos dans les Alpes de Haute Provence à la recherche des orthoptères de montagne avec l’espoir d’entendre plus particulièrement Anonconotus alpinus dont l’émission sonore rare et discrète n’est émise qu’en plein soleil.
Je décide de ne pas m’arrêter au lac d’Allos, mais de monter directement au Col de la petite Cayolle à 2700 mètres d’altitude.
C’est vers 2300 mètres qu’une stridulation qui se mélange aux rythmes saccadés des Gomphocerus sibiricus (Gomphocère des alpages) m’intrigue : enregistrement N°01.
La stridulation a un aspect feutré et puissant. L’auteur, un criquet verdâtre, semble assez insignifiant d’aspect. L’épaisseur relative de ses pattes m’intrigue ; consultation du livre de Bellmann (« Guide des Sauterelles, Grillons et Criquets d’Europe occidentale » chez Delachaux et Niestlé) et je découvre Aeropedellus variegatus dont la photo sur une feuille est un peu trompeuse : l’animal restant plutôt au sol. Par contre la description convient parfaitement :
Taille modeste (mâle : 15-16 mm, femelle : 19-24 mm), de livrée généralement verte ou brune, agrémentée de motifs divers, testacés, grisâtres et noirs. Il se caractérise par ses antennes courtes, légèrement renflées à l’apex, et, chez les mâles, par ses tibias antérieurs faiblement dilatés (remarque faite dès ma première observation).
Fréquente la zone subnivale (plus de 2300 m), sur les cariçaies à laîches courbées (Curvuletum) et les pelouses à Seslaire.
Je n’ai trouvé aucune description de stridulation ou de comportements sonores associés à la parade. Devant moi plusieurs individus chantent en ce jour de grand beau temps (température au sol 28°C) : enregistrement N° 02.
De retour, je consulte les six ouvrages sonores en ma possession, et là encore je ne trouve aucune information.
Après consultation d’un certain nombre de spécialistes et même d’une demande sur la liste du forum « orthoptères », toujours pas de réponse à mes questions sur cette stridulation qui semble inconnue. En août 2005, les journées SONATURA me donnent l’occasion de retourner sur le site, et malgré un soleil qui joue à cache-cache j’enregistre à nouveau un mâle au rythme de chant plus lent (température 20° maximum) durant les courtes éclaircies au sol : enregistrement N°3. L’insecte émet deux à trois strophes sonores avant de se déplacer et de reprendre un peu plus loin. Au moindre nuage (donc chute de température conséquente à cette altitude) il y a interruption de la stridulation.
Les quatre enregistrements proposés illustrent parfaitement le rythme et le registre sonore du chant de cette espèce de haute altitude.
L’enregistrement N°4 donne un nouvel exemple avec de stridulation de cour quand le mâle prés de s’accoupler à la femelle. Une certaine confusion due à l’excitation s’installe alors.
Fernand DEROUSSEN