Dans la tourbière des Froux (Manou, Eure-et-Loir)

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Par ce samedi pluvieux de juin, le Conservatoire des espaces protégés du Centre organisait une visite guidée de la tourbière des Froux. L’arrivée se fait par un charmant sous-bois qui cache de petites pièces d’eau dans lesquelles doivent se multiplier batraciens et insectes. Le sous-bois ouvre sur une étendue de lande « contrôlée » que la forêt de Senonches, sur l’autre versant, aspire à absorber. La lande est animée de
touradons, hautes mottes d’herbes poussant sur leurs racines et feuilles dont la décomposition est ralentie par l’acidité d’un terrain s’appuyant sur un lit de silex. Ces îlots herbeux émergent au milieu d’un marécage à la terre sombre. Ici et là pointent les têtes cotonneuses de linaigrettes dont les filaments blancs volent au vent. À l’abri des bouleaux et des chênes, mousses et fougères s’en donnent à cœur-joie. La majestueuse Osmonde royale trône comme une reine parmi ses consœurs à la taille plus modeste.
Notre guide, Sylvain Garbar, nous engage à oser la traversée épique de la tourbe pour admirer au milieu des touradons sa grande découverte pour le département : la grassette du Portugal (Pinguicula Lusitanica). Egalement appelée « Gobe-mouche », cette plante carnivore de la famille des Lentibulariaceae ne paie pas de mine. Elle prend des allures de petite étoile de mer perdue dans sa lagune. Mais il ne faut pas s’y fier ! Le moucheron qui s’en approche un peu trop, y reste collé et la plante commence alors la lente absorption de ses humeurs jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une enveloppe vide que le vent ou la pluie emporteront.
Dans ce milieu végétal humide, sous une pluie battante, les insectes bougent au ralenti, frêles et vulnérables. Une libellule sonnée par la fraîcheur, se laisse prendre sans résistance et observer sans réticence (Orthetrum caerulescens). Mais sa bonne volonté se lasse et elle finit par se laisser tomber sur un touradon.

Plus loin, dans un recoin de lande au bord de l’Orème, nouvelle rencontre avec des sauterelles tout aussi bon enfant. Au sommet d’un groupe de touradons se promènent des conocéphales bigarrés (Conocephalus fuscus), sauterelles de la famille des Tettigoniidae. Elles se déplacent si lentement, sans même chercher à se cacher, que nous avons tout le loisir d’admirer leur vert éclatant que strie une bande brune sur leur dos. Elles sont silencieuses, hélas, le temps les laissant léthargiques. Mais qui sait, le soleil revenu, cette tourbière si riche fera peut-être entendre sa voix après avoir dévoilé ses si beaux atours ?
Fatima DE CASTRO
29 juin 2014

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