Le Pélican frisé est inscrit sur la liste des “Espèces menacées”. La population mondiale est estimée à 4 000 à 5 000 couples nicheurs, dont un tiers se reproduit, en colonie, dans l’est de l’Europe, du Monté Négro jusqu’à la Russie. La colonie du lac danubien de Srebarna, connue depuis le XIXème siècle, a été instituée “réserve intégrale” depuis près de soixante ans, pour protéger cet unique site de reproduction de Pélicans frisés en Bulgarie. La Réserve est aujourd’hui classée par l’UNESCO “Patrimoine mondial et Réserve de Biosphère”, placée sous le plus haut degré de protection.
La colonie est installée en bord d’une zone d’eau libre, au cœur d’une grande île flottante, constituée, au fil des siècles, de roseaux qui prennent racines dans le substrat en décomposition.
La Fondation Le Balkan-Bulgaria, à qui la gestion de la colonie a été confiée depuis quinze ans, a fait de nombreux aménagements afin de sécuriser la reproduction et a construit un observatoire, d’accès complètement camouflé, qui permet un suivi scientifique. Avec l’autorisation exceptionnelle du Ministère de l’Environnement et des Eaux bulgare, pour une seule personne, André a pu enregistrer, pour la première fois les émissions sonores d’une colonie.
Les Pélicans frisés m’ont admis à partager quelques moments de la vie ordinaire de leur colonie, pour peu que je reste discret (49). Le privilège est rare (et c’est peut-être la première fois que des émissions sonores sont enregistrées au sein d’une telle colonie). Cette année 2000, une centaine de couples occupent le site. Le printemps a été médiocre aussi pontes et naissances sont très étalées dans le temps. Les 14 et 15 mai, lors de notre passage, certains nids sont encore couvés tandis qu’à côté, des jeunes de plusieurs semaines sont déjà bien costauds. Les parents qui se relaient pour couver ne sont guère bruyants. Il n’en est pas de même des jeunes quémandeurs et des adultes qui vont et viennent pour les nourrir. S’il est spectaculaire de voir un jeune plonger complètement la tête dans le fond du gosier d’un adulte qui lui régurgite sa pitance, il est impossible, dans cet enregistrement, de décrire des comportements sonores individuels tant la multitude des actions simultanées est grande. Au moins un évènement sonore est clairement identifiable: cette grande rumeur qui, de temps à autre, soulève toute la colonie. C’est une histoire de Pélican blanc ! Pélicans frisés (Pelecanus crispus) et Pélicans blancs (Pelecanus onocrotalus), espèces différentes, cohabitent peu. Cette année 2000 les “frisés“ n’ont admis qu’un seul couple de “blanc“ qui couve sagement au beau milieu de la colonie. Tout autre “blanc“ est indésirable. Qu’un autre Pélican blanc descende, plane et se pose sur l’eau devant la colonie, il est aussitôt accueilli par cette grande rumeur de désapprobation générale. Le “blanc“, sans émission vocale, doit repartir aussitôt. On n’entend que ses palmes qui pédalent dans l’eau pour reprendre de la vitesse et ses battements d’ailes. La colonie de “frisés“ reprend sa vie et son calme.
D’autres habitants s’activent, cachés dans les roseaux: une Poule d’eau (50-51), des Grenouilles rieuses (53) qui soudain se manifestent. La Locustelle luscinioïde vient se faire reconnaître (55). En fait elle demeure à côté et son chant, interminable “stridulation“, s’entend presque tout au long de la plage. Des Sternes pierregarin puis des Guifettes moustac (52), à moins que ce ne soit l’inverse (54), survolent le site. Un Blongios nain alarme (56), soudain dérangé dans sa sieste. Et la vie continue. Les jeunes apprendront à pêcher et prendront des forces pour la migration d’automne. À l’année prochaine !
(Pelecanus crispus, Locustella luscinioides, Gallinula chloropus, Chlidonias hybridus, Sterna hirundo, Ixobrychus minutus, Rana ridibunda)