Danse amoureuse en baie de Somme


Un après-midi ensoleillé de mars, dans la réserve naturelle du Hâble d’Ault, extrémité sud de la baie de Somme. La mer se cache derrière une dune qu’arrête un cordon de galets arrachés aux falaises crayeuses de la côte normande proche. Jusqu’au milieu du 18e siècle, le Hâble était l’un des plus grands ports de pêche d’Europe du Nord. Progressivement, de 1750 à 1773, la main de l’homme a comblé ce refuge à des fins agricoles. C’est la période dite du Grand Barrement. Aujourd’hui, le Hâble sert de refuge à 270 espèces d’oiseaux protégées sur 100 hectares acquis par le Conservatoire du littoral depuis 1986, auxquels s’ajoutent 62 hectares de réserve naturelle créée par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Au milieu d’îlots herbeux lovés au creux d’étendues humides et cernés de vase et de galets, les oiseaux viennent se reposer au cours de leur migration ou nicher. L’air vibre d’un méli-mélo assourdissant. Des lapins, dont les terriers creusent le sol, tentent de gagner un terrain difficile, parfois poursuivis par un courly qui n’hésite pas à les chasser à coup de bec dans les fesses.

Le ciel est envahi par la danse amoureuse des vanneaux qui nous tient en haleine. Les mâles entament dans les airs une farandole bruyante, au son proche du claquement d’élastique, en un va-et-vient incessant qui enchaîne montées et chutes libres à grande vitesse. Un mâle « ferre » une femelle, impassible au sol. Face à la femelle qui feint l’indifférence en fouillant la vase de son bec, le mâle se dandine d’avant en arrière, soulevant son arrière-train rouge qu’il prend bien soin de toujours gardé dans la ligne de mire de la belle convoitée, tournant pour cela sur lui-même autant de fois que nécessaire, sans interrompre sa danse, tête baissée, fesses en l’air. La belle feint de l’ignorer, jetant parfois un coup d’œil désinvolte au spectacle, surtout lorsque le va-et-vient fait place à une espèce de danse tribale, ailes déployées et queue s’agitant dans tous les sens. Lorsque le mâle croit avoir atteint son but et s’interrompt, la femelle reprend sa promenade « picorante » comme si de rien n’était. Et le mâle de reprendre aussitôt le cycle dandinement-danse tribale pendant un temps assez long… jusque ce que la belle décide que non, décidément ce n’est pas le bon, et parte sans le moindre état d’âme, laissant le danseur dépité, seul sur son îlot vaseux… Cruelle nature !

Fatima DE CASTRO /3 mai 2015

Ce contenu a été publié dans Paysages sonores, avec comme mot(s)-clé(s) , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *