Le chant du Bruant jaune est connu pour être très aigu (Hansen 1985). Le sonagramme, ci-dessous, nous présente une avant-dernière note dépassant les 9000 Hertz.
Phrase de Bruant jaune Emberiza citrinella enregistrée à Flône (B) le 7 juillet 2005.
Acoustic spectrogram of Yellowhammer song. In this spectrogram, the vertical axis represents frequency linearly extending from 0 to 10 kHz, and the horizontal axis represents time over an interval of 2.4 seconds.
Son congénère, le Bruant des roseaux, peut-il émettre des sons aussi stridents ? On n’en trouve pas dans les sonagrammes de Ghiot (1976), Gailly (1982), pas plus que dans ceux publiés dans Cramp et Perrins (1994), ou de Tretzel (in Glutz von Blotzheim et Bauer 1986). Mais les analyses de tous ces auteurs étaient réalisées dans une bande de fréquence limitée à 8.000 Hertz (Hz) .
De leur côté, Keulen et al. (1999), qui étendent leurs analyses jusqu’à 10 000 Hz, signalent que quelques notes peuvent atteindre les 8000 Hz. C’est bien le cas dans les trois exemples ci-dessous, comme le montre leur dernière note :
bruant_roseaux_amay_17avr08.mp3
bruant_roseaux_amay_15jt07.mp3
bruant_roseaux_lens_3mai08.mp3
Trois phrases de Bruant des roseaux Emberiza schoeniclus. Enregistrements réalisés à Amay (B) le 17 avril 2008 (en haut); le 15 juillet 2007 (au milieu); à Lens sur Geer le 3 mai 2008 (en bas).
Certaines notes du Bruant des roseaux peuvent être plus stridentes encore et atteindre les 9.200 Hz (voir la 6e note dans la phrase suivante).
bruant_roseaux_amay_15jt07_strident.mp3
Phrase de Bruant des roseaux Emberiza schoeniclus enregistrée à Amay (B) le 15 juillet 2007.
En Suisse, Rieille (com. pers) a trouvé aussi des notes suraiguës chez certains chanteurs.
Notes stridentes… et principe du triangle ?
Dans son habitat, le Bruant des roseaux n’est pas le seul chanteur. A certains moments de la journée, d’autres espèces se manifestent bruyamment : des oiseaux, comme la Rousserolle effarvatte, ou dans des milieux voisins, la Fauvette grisette, sans compter les groupes de batraciens. Par endroits, le chant du Bruant des roseaux peut aussi être plongé dans le bruit de fond permanent d’une colonie de Mouettes rieuses.
Son chant risque ainsi d’être masqué par d’autres manifestations sonores. Dans un tel contexte, des notes stridentes pourraient émerger du brouhaha comme le son d’un triangle se détache du tutti de l’orchestre. La surimposition d’un chant de Bruant des roseaux à celui d’une Rousserolle effarvatte suggère une telle fonction. Les spectres des fréquences de leurs émissions sont, en partie, distincts (les notes de la Rousserolle ne semblent pas dépasser 6000 Hertz). Elles présentent aussi un contraste rythmique. De plus, la structure de leurs notes est bien différente. Les sons du Bruant pourraient ainsi émerger des autres sons ambiants en partie par exclusion, en partie par contraste.
bruant_roseaux_rouserolle_hollogne_27mai08.mp3
Exemple d’émergence acoustique. Un Bruant des roseaux chante (notes les plus noires sur le sonagramme et, dans l’ensemble, les plus hautes) en même temps qu’une Rousserolle effarvatte. Hollogne sur Geer (B) 27 mai 2008. Explication : voir texte.
Autre hypothèse
Tous ces sonagrammes montrent, par ailleurs, que les notes sont émises dans une gamme de fréquences assez large. Le Bruant des roseaux utiliserait-il ces contrastes de fréquence pour évaluer la distance qui le sépare d’un chanteur de son espèce ? Sur base de considérations théoriques, Naguib et Wiley (2001) proposent un modèle – et ses limites – permettant l’évaluation des distances à partir de l’atténuation relative des hautes et des basses fréquences. Il serait intéressant d’étudier le chant du Bruant des roseaux dans cette perspective.
Références
CRAMP,S. et C. PERRINS (eds) (1994) : Handbook of the Birds of Europe, the Middle East, and North Africa, vol. 9. Oxford University Press, Oxford.
GLUTZ von BLOTZHEIM, U.N. et K.M. BAUER. (eds) (1986) : Handbuch der Vögel Mitteleuropas. Vol. 9. AULA, Wiesbaden.
GAILLY, P. (1982) : Étude éco-éthologique du Bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus Linné). Etat de la recherche. Cahiers d’Éthologie 2 : 123-150.
GHIOT, C. (1976) : Contribution à l’étude du comportement territorial chez le Bruant des roseaux, Emberiza schoeniclus. Le Gerfaut 66 : 267-305.
HANSEN, P. (1985) : Geographic song variation in the Yellowhammer (Emberiza citrinella). Nat. Jutl. 21: 209–219.
KEULEN, CH., B. PRAXAYSOMBATH et J.C. RUWET (1999) : Vocalisations du bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus) : évolution des caractéristiques individuelles et régionales du chant (1982-1997). Cahiers d’Éthologie 19: 17-56.
NAGUIB, M. et R. H. WILEY (2001) : Estimating the distance to a source of sound : mechanisms and adaptations for long-range communication. Anim. Behav. 62 : 825–837.
Enregistrements et sonagrammes
Metzmacher M.
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Intéressant comme hypothèse.
Je vais examiner mes enregistrements de ce bruant à l’aune de cette approche et essayer d’évaluer la distance d’avec le chanteur la prochaine fois que je pourrai la mesurer.
PS : attention à la saturation sur le second burant des roseaux.
Très intéressant !
Merci Maxime pour cet article et les références biblio qui l’accompagnent.
SI, le moneau domestique : chuchette, chuchote, pépie
SI, le coq de bruyère : dodeldire
et pour le bruant des roseaux: ????????