CARTE POSTALE DU PARADIS

Dessin de Chevêche 

Sangalhos (Portugal), mercredi 1er juillet, 7h05.

Le village commence à se réveiller. Les premiers humains se préparent pour une journée de travail. Le monde volant chante depuis l’aube, nature sauvage et nature domestiquée se répondant. Les coqs de basse-cour lancent leurs derniers cocoricos impétueux, taches vivaces sur fond sonore pastel. 

Perchée sur le paratonnerre d’une maison voisine, entre vignes et plantes grimpantes, une chouette s’offre un instant de gloire et chuinte à gorge déployée, petit amas de plumes sombres, avant de prendre son envol. Cherche-t-elle à concurrencer son ami le coq ? A moins qu’elle ne chante une oraison funèbre en mémoire de ses ancêtres ? 

Tout près de là se trouvait son habitat, une ancienne oliveraie laissée à l’abandon au milieu d’une prairie en friche. Autrefois, son chant appartenait au village, au même titre que celui du coq ou de la tourterelle. Aujourd’hui, la spéculation immobilière a rasé ses oliviers, dans l’espoir de présenter un terrain prêt à construire, comme tant d’autres. Le village n’est bientôt plus. Ses champs centenaires et sa forêt ancestrale de pins et d’eucalyptus ont disparu sous l’attaque récente des bulldozers, gros producteurs d’immeubles sans fin et de pavillons sans âme. 

Où donc se cache la petite chouette maintenant ? Sans doute dans les derniers vestiges de forêt sauvage, emprisonnée – pour combien de temps encore – entre les quartiers résidentiels qui, hier, n’existaient pas. Retrouverais-je par hasard cette petite chouette l’année prochaine, venue se recueillir sur son ancienne demeure ? Quelle tristesse pour elle d’être évincée d’un monde qui ignore jusqu’à sa présence. Quelle tristesse pour l’homme d’avoir perdu cette petite chouette et détruit son monde, qui ne fait qu’un avec le sien. 

Texte & enregistrement : Fatima DE CASTRO 

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1 réponse à CARTE POSTALE DU PARADIS

  1. Antoine dit :

    Si Pascaloup manie le crayon à merveille, Fatima n’est pas en reste pour la plume ! Et quand les deux conjuguent leurs talents sur ces sympathiques petits reportages sonores, le plaisir est complet !

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