Mixer ou ne pas mixer, telle est la question !

Cette question récurrente a été abordée dans le forum Sonatura en particulier ici :
http://www.sonatura.com/forum/spz.php?fir=view&ct=0&t=4&viewreply=ok&id=3983&id_re=3956&mbsortdate=dates&vi=&inc=forum
Depuis un moment, l’idée me démangeait de proposer quelques illustrations de mes lignes de conduite en la matière. Voici trois exemples où je présente consécutivement le mix suivi de ses deux composantes (je ne dépasse jamais deux ambiances pour les raisons évoquées ci-dessus).

Verger

Dans l’exemple n° 1, je me trouvais face à un défaut à corriger : j’avais mal évalué sur le terrain l’espacement stéréophonique de la prise de son effectuée avec un couple de super-cardioïdes à angle trop obtu. J’ai donc commencé par mélanger légèrement les deux canaux pour remplir le « trou » au centre. Mais l’ambiance restait encore trop « creuse ». En « injectant » une mésange bleue (pardon pour l’expression !) au milieu de l’espace stéréo, je complète la composition. Je cale les deux enregistrements convenablement, de sorte qu’au montage, il semble qu’un seul individu soit présent et qu’il se soit éloigné, puis qu’il ait entonné une autre variante de son chant un peu plus loin. La séquence du soliste est plus courte que l’ambiance du verger où je l’ai fondue, mais cela ne s’entend pas car l’utilisation de la parabole a permis de réduire l’arrière-plan. En outre, les niveaux sont réglés pour que la mésange rajoutée se fonde sans donner l’impression d’être « collée ».  

Croquis

Dans l’exemple n° 2, je dispose d’une ambiance hivernale où une paire de Grands Corbeaux errent dans le silence de la montagne. Cette prise révèle hélas un souffle important. J’ai donc cherché à le dissimuler en le fondant à une ambiance réalisée au printemps, mais exactement au même endroit. La « signature sonore » du lieu est donc totalement confondue entre les deux ambiances, ce qui évite la confusion dans l’espace sonore. Cet anachronisme audacieux n’est pas décelable tant que l’ambiance des Grands Corbeaux ne comporte aucun sonorité proprement hivernale. Le cumul des souffles est indifférent : je ne cherche pas absolument à rendre l’impression de silence. Enfin, j’ai calé la piste stéréo printanière de telle manière que le coucou semble réagir au passage du grand Corbeau. La scène est entièrement artificielle mais reste probable.
 

Cerf noble

Dans le troisième exemple, je dispose de deux ambiances réalisées encore une fois dans le même lieu, mais cette fois à la même époque. Les deux ont été réalisées de nuit à l’affût mais tandis que la première prend place surtout sur la gauche, la seconde, elle, se déroule surtout sur la droite. Dans les deux, il m’était impossible de centrer la scène de peur de fuir les sujets en pleine démonstration de virilité ! En outre, chacun de ces évènements est isolé. Or, je voulais tenter de constituer une ambiance pleine d’action. Je n’ai coupé aucun passage; de sorte que la scène reste « naturelle ». Le niveau de la première ambiance, moins « nette » est légèrement réduit pour ne pas surajouter de souffle. Le montage ‘à la seconde près’ permet de restituer une scène imaginaire où le cerf de droite répond par ses raires et ses fourragements à ceux du mâle de gauche. Pur artifice ! Surtout quand on sait que ces deux enregistrements sont distants de onze années !!
…Après l’oeuf reconstitué, le lait enrichi en vitamine C, voilà donc l’ambiance l’ambiance « enrichie en mésange » ou la « scène de brame reconstituée » ! Mais quand cesseront donc ces abus contre-nature ?
;o)
 

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1 réponse à Mixer ou ne pas mixer, telle est la question !

  1. Antoine dit :

    Fort intéressant et très convainquant, merci Pascaloup !
    J’en parle brièvement dans mon petit document « Débuter en son nature » (quoi, vous ne l’avez pas encore demandé ? ;-) et pense également que, s’il y a cohérence naturaliste et sonore, pourquoi se priver de cette possibilité ? Bon, ce n’est qu’une opinion, quelques puristes en ont une autre…

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