La Forêt de Rossignols prognés

    Delta du Danube, 30 avril, 02 h 30, nous quittons l'embarcation pour un coup d'oreilles à la forêt dunaire de Caraorman, en plein cœur du delta. Pas de lune. Le sentier est à peine tracé. Pour l'avoir emprunté déjà, un après-midi de l'an dernier, nous savons que, par là, nous ne passerons pas : les eaux doivent être trop hautes, il nous faudra faire un détour. 03 h 30, nous entrons dans la forêt, clairsemée, ponctuée de grandes clairières et de zones inondées.Émerveillement ! C'est une « forêt de Rossignols prognés » ! À cette heure de la nuit, tout le monde dort : la forêt leur appartient. Quelle ambiance ! Les bottes nous permettent d'avancer presque en silence. Soudain, ce petit "Tric" discret, dans ce buisson tout près de nous, c'est un Rossignol qui s'éveille ! Immédiatement l'enregistreur est en marche. Pas le temps d'installer le matériel : il faut profiter de l'instant. Et voilà trois naturalistes fous, figés sur place, retenant leur souffle, pour une bonne demi-heure, à quelques mètres du Rossignol (et tout près des micros ! Heureusement, les bottes sont en caoutchouc et le sol est assez meuble ; mais il y a ces fougères sèches qui ne demandent qu'à craquer au moindre balancement du corps. Ne bougeons pas, ne bougeons pas, ne respirons pas !).
Un très lointain Butor étoilé (Botaurus stellaris) beugle dans la roselière.
Les mâles des Rossignols prognés arrivent les premiers de migration, repèrent les bons coins pour élever une nichée et tout de suite ils chantent, jour et nuit. Les femelles vont arriver dans les nuits suivantes. Elles se dirigeront vers les chants les plus attrayants. Le concert est déjà bien commencé. « Notre » rossignol, vient-il d'arriver ? S'éveille-t-il d'un peu de repos après son long voyage ? Il attaque timidement, échauffe doucement sa voix puis, peu à peu, entre dans le concert, plus « Quieto con espressione » que les chants excités de nos Rossignols philomèles occidentaux (Luscinia megarhynchos).

André et Odile BOUCHER

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