Dimanche 23 avril 2006, à Amay (Belgique). Il est 9 h et la gravière est toujours sous une petite couette de brume. Dans un saule, une Fauvette grisette (Sylvia communis) émet son petit refrain (fig. 1).
Fig.1. – Une phrase de la la Fauvette grisette, … parmi d’autres. Sur ce sonagramme, comme sur les suivants, l’échelle verticale présente la fréquence en kilohertz; l’échelle horizontale, le temps en secondes.
Écoutez FAGR_Amay_avr06.mp3
Au même endroit, la Gorgebleue (Luscinia svecica cyanecula) lance sa phrase, mais après quelques notes, le chant de la Grisette éclate à nouveau. Sa voisine, surprise, hésite un instant (début de phrase en fig. 2), puis se reprend et continue la phrase entamée. Quelques secondes plus tard, dans le premier motif d’une nouvelle phrase de la Gorgebleue (fig. 3), puis dans le deuxième, le chant de la Grisette éclate à nouveau. La première hésite chaque fois à poursuivre son chant, mais, bien qu’elle en soit capable, elle ne copiera pas celui de sa voisine. Aucun de ces protagonistes, par ailleurs, ne quitte son perchoir.
La Grisette lance ensuite son cri d’alarme, mais la Gorgebleue ne semble plus modifier le débit de ses phrases. L’intensité de ce cri, moins élevée que celle du chant de la fauvette, le rend peut-être moins « gênant » pour la Gorgebleue.
Fig.2. – Phrase de la Gorgebleue (début). En arrière-plan (et après la 4ème figure), phrase de la Fauvette grisette.
Écoutez GB_Amay1.mp3
Fig.3. – Une autre phrase de la Gorgebleue (début). En arrière-plan (et après la 3ème figure), phrase de la Fauvette grisette.
Écoutez GB_Amay2.mp3
L’image de ce duo « perturbé » – le sonagramme – objective ces interférences sonores et illustre une « expérience » difficilement programmable. Le micro orienté vers la Gorgebleue permettait, toutefois, de capter aussi l’autre en arrière-plan. Au cas où …
En l’absence de la Grisette, les autres prises de son (même lorsqu’elles étaient réalisées à plus faible distance du chanteur) n’ont jamais révélé ce genre d’arrêt sur image. Les interactions vocales entre espèces différentes sont peut-être plus fréquentes qu’on ne l’imagine. Mais, les enregistrements – et surtout les sonagrammes – susceptibles de les mettre en évidence sont sans doute fort rares. Chez le Pinson des arbres, par exemple, que j’ai beaucoup enregistré, je n’ai jamais noté d’interruption puis de reprise d’un chant entamé. Il peut bien sûr omettre sa finale, mais, à ma connaissance, ne l’émet pas après avoir brièvement interrompu sa phrase.
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Technique de prise de son : enregistrement mono avec réflecteur parabolique.
Podcast: Play in new window
J’ai trouver votre passage très interessant à RFI
C’est la raison pour laquelle je suis venu visiter ce site
Courage tenez bon
Merci
la parabole colore très fortement les sons avec un filtrage qui dénature fortement ce paysage sonore.
La parabole a bien sûr ses défauts. Mais elle présente aussi l’avantage de pouvoir enregistrer à distance, ce qui est important dans une réserve naturelle (située, dans le cas présent, entre une voie rapide et une voie de chemin de fer, ce qui nécessite un filtrage).
Le but du jeu, ici, n’était pas de présenter un « beau paysage sonore », mais d’étudier le chant (et le comportement vocal) de la Gorgebleue. Un document sonore peut aussi avoir un intérêt scientifique(en illustrant, par exemple, une facette peu connue d’un comportement) , même si, d’un point de vue « esthétique », il est imparfait.
C’est très intéressant Maxime. J’aimerais bien écouter l’intégralité de la séquence. Dans un numéro de Sonatura peut-être ?